Telle l’actrice du soap de ma propre vie, je tiens à remercier toutes les personnes qui me soutiennent et continuent de m’endurer, drama après drama, qu'ils soient divertissants ou pénibles - la qualité n'est pas toujours au rendez-vous, j'en ai conscience.

J’entends les filles parler dans la pièce à côté, d’un film ou d’un bouquin. Je n’arrive pas à avoir envie de les rejoindre. Je fais mon thé devant elles en retenant mes larmes et fuyant leurs regard. Elles ne me demandent pas si ça va.

J’ai besoin d’être seule et d’être entourée

J’ai la sensation familière et indécrottable de ne pas savoir qui je suis tout en le sachant, de ne pas savoir ce que je veux tout en étant certaine de mes choix. Il n’y a même pas la moindre zone confortable où je puisse m’assurer de quelque chose : je passe allègrement dans la même journée de la sensation de clarté au flou le plus total.

Je suis inquiète - j’ai besoin de guide, d’un chemin. Ce sont des choses qui ne se disent peut-être pas trop dans les milieux alterno (gauchistes et contre-culturels) dans lesquels j’évolue, où l’essentiel des efforts est concentré sur la déviance, le pas de côté, la sortie de route par rapport à un ordre imposé qui pue la merde. Pas d’effort pour moi ici, je suis comme naturellement inadaptée, et en même temps capable de m’adapter, du moins pour une courte durée, à des endroits qui ne sont pas du tout en marge.

Plus de trente déménagements sans compter les canapés / chambres de mecs à droite à gauche et je ne sais toujours pas où vivre - je veux vivre seule mais être entourée, à la ville mais à la campagne

Plus de quarante boulots les centaines de CV et lettres de motivation les démissions les licenciements et je ne sais toujours pas comment gagner ma croûte - je sais à la fois tout faire et ne rien faire, je veux à la fois gagner de l’argent et ne pas travailler

Plus de trente histoires d’amour (?) et je ne sais toujours pas vivre autre chose que le chaos, formé de joies immenses et de tristesses inconsolables, d’indifférence et d’empathie sans effet, d’engagements et d’oublis

Je veux que l’on sente ma détresse et que l’on vienne me faire un câlin mais je ne veux pas faire pitié

Je ne sais pas demander ça sans avoir l’impression d’être de trop, et en même temps je trouve ça bien légitime de l'obtenir faut pas déconner

J’ai envie d’être au coeur de l’attention et de disparaître

Je me vois tour à tour irrésistible et repoussante

Amie et ennemie des gens qui sont pourtant du même camp

J'avance et je recule dans le même mouvement - Michael Jackson

Sans filtre et pleine de masques

Entourée et seule, populaire et pathétique

J’ai l’air normale et en même temps pas normale

Je me sens normale et pas normale

Venez pas m’emmerder avec votre question de chiotte « mais qu’est-ce que la normalité au fond », quand tu sens que t’es un freak tu sais très bien ce que ça veut dire

Ne venez pas me dire de trainer avec les bonnes personnes - tout le monde à peur de m’aimer, même les punks, même les gens bienveillants-déconstruits, même les fous

J’ai besoin que ça cesse, de trouver la solution - la solution est en moi, Ari Krishna et Namaste - boire du thé et regarder par la fenêtre en rêvant de la place qui m’attend quelque part entre Nevers et Lyon, Calais et Dunkerque, Berlin et Dresde, Saint-Etienne et des bleds paumés en Lozère dont je connais pas le nom

Pourquoi ma soeur qui passe sa tête par la porte et me voit pleurer repart-elle sans un mot ?
Pour me laisser tranquille ou pour se laisser tranquille ? Eternelle question des gens qui s'excusent d'exister tout en gueulant trop fort

Mais comme rien n’est stable, tout est mouvant, je vais me lever de cette chaise, et être sûre que dans deux heures, je me régalerai des oeufs de Pâques arméniens en rigolant avec les copines, sure de ma chance d’être en vie dans cette vie, ici et maintenant. Il fait beau, je suis jeune et belle. J’irai aux toilettes et prendrai un coup sur la tête, comme ça, par derrière, une petite savate et mes larmes tomberont dans mes joues sur mes mains dans du PQ aux chiottes. Je tirerai la chasse.
Flushing
the
flou



mars 2024